TRIBUNE : Ce vaste chantier inachevé, sans maitre – d’ouvrage !

[Par Modio]  Il n’est point besoin de refaire ici un énième diagnostic. Les maux sont connus et leur origine l’est également. Pour utiliser une métaphore, la GUINEE est une maison dont on n’a jamais achevé de cimenter la fondation (la nation) et dont les piliers (l’État et l’Administration) et la toiture (l’expansion économique et sociale) n’ont jamais été construits. Le chantier est donc vaste, il s’étend sur une superficie de 245 000 KM2 et si les thuriféraires insaisissables de l’ordre ancien avaient une baguette magique pour le réaliser en cent jours, les GUINEENS se seraient mobilisé massivement pour l’acheter au prix du vendeur.

Plus sérieusement, les GUINEENS attendent aujourd’hui des solutions à leurs multiples et divers problèmes du quotidien. De nombreuses pierres ont été posées et constituent autant de solutions significatives du changement porté par le Chef de l’Etat, le professeur Alpha CONDE. Parmi celles-ci nous citerons indifféremment :

• La systématisation du dialogue social,
• Le lancement de la création d’un Etat de droit et d’une Administration à travers la tenue des états généraux de la justice et la mise en place d’un haut commissariat à la réforme et à la modernisation de l’administration,
• Le lancement des préparatifs pour la tenue des assises de la commission « vérités et réconciliation »,
• La mise en place d’un accompagnement économique au travers de la création de plusieurs Fonds d’aide.
• L’institution d’une caisse unique, dans le cadre de l’assainissement de la gestion des finances publiques,
• La création d’un contexte favorable à l’amélioration du pouvoir d’achat.

L’affermissement de la citoyenneté constitue sans nul doute l’ingrédient essentiel pour la consolidation des premières pierres posées ainsi que celles qui le seront prochainement. C’est dans ce cadre que les partis politiques de tous les bords ont un rôle majeur de formation à jouer : outre les règles de discipline propres à chaque parti, l’exercice des libertés publiques, collectives et individuelles, est soumis au respect des lois et les règlements en vigueur en ces matières. Ces thèmes pourront bien évidemment être les grands axes, parmi d’autres, de ce processus de formation. La mobilisation des moyens de l’Etat, notamment pour mettre à disposition les éléments de nos valeurs culturelles qui facilitent une meilleure assimilation de la pratique de la citoyenneté et pour susciter ou accompagner les démarches de formation, ne sera pas de trop.
C’est à l’expansion économique et au progrès social, en tant que toiture de la maison GUINEE, que concourent les pierres apportées pour sa construction. Pour atteindre ce double objectif, le pragmatisme apparait comme le meilleur rempart contre le dogmatisme synonyme de rigidité et d’intolérance.
En plaçant l’agriculture au cœur du développement économique du pays, le programme de changement en cours entend épargner à la GUINEE ce que l’on appelle « la malédiction de la rente » (en l’occurrence celle issue de la bauxite). Il faut savoir que le pays est doté d’importantes ressources minérales : un tiers des réserves mondiales de bauxite, plus de 1,8 milliard de tonnes de minerais de fer à haute teneur, d’inestimables réserves d’or et de diamant, d’uranium, de nickel, de titane, de platine, de ber galium ; sans parler des pierres précieuses tourmaline, grenat, saphir, rubis, corindon etc…

Le secteur minier représente plus de 60% des exportations de la GUINEE. Mais le PIB/hab. est de 414 USD et l’indice de développement humain est de 0,435, occupant le rang de 170ème sur 182 pays. Plus précisément l’abondance de ressources naturelles dans un pays ne garantit pas son développement économique. Elle peut même y faire obstacle. Les exemples sont nombreux sur le continent africain. La rente engendre des incitations perverses. Avec une population à plus de 70% d’origine rurale, le choix qui est fait dans le cadre du programme de changement signifie que les nouvelles autorités entendent développer de manière significative autour de l’agriculture d’autres activités exportatrices et gérer la manne de la rente.
Les premières mesures prises conduisent à constater que le programme de changement fait résolument dos à deux principaux dogmes :
Le premier est celui suivant lequel le développement d’un pays et à fortiori sa modernisation impliquent un désengagement de l’Etat. N’en déplaise aux tenants de cette acception, l’enrichissement d’un pays s’accompagne d’un accroissement plus que proportionnel des dépenses publiques. Autrement dit, un pays en développement, comme la GUINEE, tout comme un pays développé qui entend le rester, a besoin d’infrastructures publiques tels que les routes et les ponts, qui sont à la charge de l’Etat puisqu’il s’agit de biens collectifs dont la production lui incombe. C’est toute la problématique de la dette publique qui est posée là sous l’aspect de la maitrise de son niveau, de sa relation avec la croissance et l’inflation et de ses effets pour les générations futures et qui dépasse de loin le simple cadre d’un article.

Le second est celui qui consiste à considérer que le déficit extérieur est à combattre à tout prix, y compris en réduisant de façon systématique et significative les dépenses publiques. Celles-ci, comme indiqué dans le paragraphe précédent, sont indispensables au développement et à la modernisation d’un pays. Dans la réalité l’essentiel du problème est ailleurs et en dernier ressort ne porte pas non plus ni sur l’absence de l’épargne ni sur le taux de change.

Enfin, il faut relever que l’investissement n’est pas uniquement lié au rôle de l’Etat, il est la condition première de la croissance. Il permet de produire pour vendre sur le marché intérieur et sur les marchés étrangers. La consommation et les exportations constituent ce que l’on appelle les débouchés pour les biens produits qui sont donc associés à l’investissement qui conduit à la croissance. Or il se trouve que la dépense d’investissement nécessite une épargne préalable et que celui qui investit n’est pas nécessairement celui qui dispose les fonds nécessaires. C’est la finance, c’est-à-dire les banques et les marchés financiers, qui assurent l’interface entre les demandes de fonds en vue d’investir et les offres de ces fonds.
La mauvaise qualité de cette intermédiation que les banques assurent en Guinée pour les demandes de couverture des dépenses d’investissement qui pose le problème de la réforme du système bancaire. Force est de constater que le système actuel fonctionne selon un modèle économique inspiré de celui en vigueur dans les pays de l’UEMOA dont les performances n’ont jamais permis le développement des pays concernés. Il faut dire que compte tenu de son rôle dans l’économie d’un pays, l’entreprise bancaire est la seule, qu’elle soit du secteur public ou du secteur public, avec les compagnies d’assurances, dont les règles de gestion sont fixées par la loi.

Le principal écueil à surmonter dans le cadre de la réforme de ce secteur est sans doute l’adoption de dispositions qui portent atteinte à la libre concurrence entre les principaux acteurs. La réforme envisagée par le programme de changement doit pouvoir atteindre certains objectifs majeurs : accélérer la bancarisation du pays (aujourd’hui seuls (5% des GUINEENS sont bancarisés), créer un véritable courant d’affaires et susciter une réelle concurrence entre les acteurs du secteur tant pour la collecte des ressources internes à long terme que pour la distribution des prêts à moyen et long termes.

Dans ce contexte de marché c’est-à-dire, d’une confrontation permanente de l’offre et de la demande, de tels concours doivent profiter en priorité, en termes de conditions bancaires, à tous les projets porteurs, notamment, dans les filières du riz, de l’huile et corps gras, du café, du coton, des fruits et légumes, de l’élevage et de la pêche.

 

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