DECLARATION DE L’UFD SUR LA SITUATION POLITIQUE EN GUINEE GUINEE 2018 : LE GRAND BOND EN ARRIERE

  1. 8 mars 2018 : Remember 27 aoû 1977 – Les femmes en colère

Au cours de ce premier semestre de l’année 2018, la Guinée a connu d’importants changements politiques, sinon de véritables bouleversements qui marqueront à n’en pas douter, un nouveau tournant historique pour le pays.

Des élections communales différées depuis 2010 se sont enfin tenues le 4 février 2018. Les contestations et les violences qui s’en sont suivies dépassent et de loin, tout ce que nous avions connu dans le passé. Quatre mois après la proclamation officielle des résultats, les élus ne sont toujours pas installés! Dans le même temps,  une grève générale paralysait tout le système éducatif, avec la menace d’extension à d’autres secteurs. Des manifestations massives de femmes en colère contre la misère, les conditions de vie insupportables et l’incurie des pouvoirs publics, éclataient à Conakry-Kaloum, siège des institutions. La société civile de son côté, jadis laminée et réduite en appendice des partis politiques, commençait à se réveiller, pour dénoncer avec force la corruption généralisée et l’impunité qui sont de règle depuis trop longtemps.

C’est dans ce contexte de tensions politiques et sociales extrêmes et de mécontentement généralisé que le Président Alpha Condé a fait une déclaration fracassante devant les femmes réunies au Palais du Peuple le 8 mars 2018, pour célébrer la Fête internationale des Femmes. Après avoir deux jours auparavant, déclaré avec force qu’il ne ferait jamais de remaniement ministériel sous la contrainte, il annonça des changements profonds dans l’équipe gouvernementale pour répondre aux revendications du peuple pour une vie meilleure. Dans son envolée, il alla même jusqu’à  promettre que désormais, il ne travaillera plus avec ces ministres corrompus qui viennent le flatter et lui caresser les pieds pour lui servir des mensonges sur la situation réelle sur le terrain. L’heure était effectivement grave. Beaucoup n’ont pas manqué de faire un parallèle entre ces chaudes journées de février-mars 2018 et les grandes manifestations de femmes du 27 août 1977 qui ont marqué le commencement de la fin du régime dictatorial et sanguinaire du PDG.

 

Mars 2018 – mai 2018 : une campagne électorale d’un genre nouveau

 

Mais ce discours plein de promesses de changement dans la façon dont les affaires de l’Etat étaient conduites jusque là et qui a produit les résultats catastrophiques que l’on sait, sonna comme l’ouverture d’une boîte à pandore. De façon incroyable, on assista à un battage médiatique sans précédent  orchestré par les innombrables candidats aux postes de chef du futur  gouvernement ou ministres. Pendant trois mois, le pays complètement à l’arrêt, a vécu sous le tintamarre de cette campagne électorale d’un nouveau genre, quoique totalement indigne d’une démocratie. Des promesses plus fallacieuses les unes que les autres, des curriculum vitae ronflants avec des diplômes ramassés dans la sciure, fleurissaient sur le net. De viles calomnies étaient abondamment distillées sur les concurrents potentiels. Sorciers, marabouts, charlatans et faiseurs de rois s’en donnaient à cœur joie et profitaient de l’aubaine pour se remplir copieusement les poches.

Fait nouveau dans cette foire d’empoigne pour circonvenir le chef l’Etat : les échos de toutes les tractations, toutes les négociations, tous les marchandages, toutes les pressions des lobbies régionalistes, arrivaient  sur la place publique! Les médias nous en livraient des morceaux au jour le jour. Leurs informations bien que qualifiées dédaigneusement de rumeurs, n’ont pratiquement jamais été démenties par les faits, jusqu’à la fin.

 

Gouvernement de dinosaures, de revenants et de repêchés – Quelle crédibilité ?

 

L’annonce de la nouvelle équipe a eu l’effet d’une douche froide pour tous ceux qui espéraient que le Président de la République allait enfin tirer les leçons des échecs de sa politique en mettant en place une équipe crédible, capable de traduire les réformes tant attendues dans les faits, afin de faire prendre au pays un nouveau départ, après tant d’espoirs déçus. Après avoir dit avec force et à plusieurs reprises en 2010 qu’il ne travaillerait pas avec des anciens dignitaires du régime du Général Lansana Conté, le Président de la République a été contraint de leur faire la part belle, avec plusieurs postes-clés. Plus de la moitié des membres de l’équipe précédente sont reconduits. Mais le plus intéressant dans ces mouvements c’est le repêchage de la majorité des anciens ministres non reconduits comme ministres-conseillers à la présidence. C’est devenu presque une loi non écrite : pour leur fermer la bouche, les ministres limogés ont « droit » à un lot de consolation : ministres sans portefeuille, « ministres flottants », ou « ministres sans bureau ». Toute une petite armée, pendant qu’on clame que l’Etat n’a pas assez de ressources pour faire face à ses obligations minimales vis-à-vis des populations.

Le décret de nomination du gouvernement le 26 mai 2018 a donné lieu à un cafouillage honteux qui a jeté une lumière crue sur la situation dramatique dans laquelle le pays est tombé : aucun ministre de l’élevage n’est nommé, alors que ce poste figure bien dans l’organigramme du gouvernement. On apprit par la suite que le pressenti avait catégoriquement refusé d’occuper un tel poste qui ne répond sans doute pas à ses ambitions. C’est un « petit ministère » dont le budget ne représente même pas 0.03% du budget national ! Quelques jours après, l’impétrant, selon ses exigences, était nommé en grande pompe au ministère de l’environnement. Ya bon ce qui reste des forêts guinéennes avec nos amis Chinois et tous les prédateurs de toutes sortes! Tout ceci est confirmé par le fait que le ministre désigné à l’élevage a reçu de sa communauté l’ordre de rendre le tablier, au motif « qu’il n’y avait rien à bouffer ». On croirait rêver! Mais le scandale ne s’arrête pas là. Des révélations ont été faites dans les médias sur les postes achetés par certains, à coup de milliards. Nous attendons toujours que les corrupteurs et les corrompus présumés portent plainte pour diffamation afin que la vérité éclate. Plus grave encore, le gouvernement comprend un ministre nommément mis en cause dans des affaires de corruption à grande échelle dans un procès toujours en cours en Belgique.

 

Sachant qu’il était très attendu sur le chapitre de l’éthique, de la lutte contre la corruption généralisée et de le détournement des deniers publics, le nouveau Premier ministre a annoncé en grande pompe que lui et ses pairs du gouvernement avaient rempli leurs obligations constitutionnelles, en se conformant à l’article 36 de la Constitution sur la déclaration de leurs biens. Nous disons bravo ! Après toutes les dénonciations incessantes depuis 2010 – notamment par l’UFD et des organisations de la société civile – voilà une disposition constitutionnelle jadis royalement ignorée qui est en voie d’être enfin respectée. Mais hélas, il faut craindre que cette bonne nouvelle ne soit qu’un subterfuge, comme les élites guinéennes en ont l’art depuis 60 ans pour tromper le peuple. Ici, les effets d’annonce tiennent lieu de réalisations. Nous attendons impatiemment de voir si ces Messieurs iront jusqu’au bout de leur logique en faisant publier intégralement les déclarations des biens au journal officiel, comme requis par la Constitution. Sachant que l’itinéraire professionnel de chacun est connu, les citoyens pourront eux-mêmes vérifier les déclarations sur l’honneur déposées. La justice aura certainement du grain à moudre pour que les intéressés apportent la preuve de l’origine licite de leur patrimoine. Mais plus sérieusement, pour que la bonne foi des uns et des autres soit établie, il faut absolument que tous responsables astreints à la déclaration des biens, sans exception, se plient à leurs obligations constitutionnelles.

Dès après l’installation du nouveau gouvernement, il a été annoncé la destitution des directeurs de l’Office Guinéen de Publicité (OGP) et de l’Office Guinéen des Chargeurs (OGC), à la suite d’audits sur leur gestion. Là aussi, nous aurions applaudi à tout rompre, s’il n’y avait pas de graves questions à se poser à ce sujet. Les deux jeunes gens qui sévissaient depuis des années dans leur entreprise para-étatique très juteuses, étaient connus pour être des chouchous du Président et pouvaient se croire tout permis, y compris même de contester son autorité. Ce sont des golden boys, flambeurs, claquant ostensiblement et en toute impunité, des sommes faramineuses à chacune de leur apparition publique. Mais alors pourquoi ceux là et pas d’autres ? Depuis des lustres, on nous promet la publication des audits sur les détournements massifs au temps du régime du Général Lansana Conté. On attend toujours. Depuis 2010, nous avons eu droit à de nombreux audits sérieux de la gestion du patrimoine public. Des fraudes massives sur les marchés publics, notamment les  marchés de gré à gré érigés en norme, y sont dénoncés avec force détails. On peut dire qu’il y a dans les tiroirs autant de rapports d’audit accablant les gestionnaires de deniers publics que de rapports restés lettre morte de colloques, des états généraux ou des commissions de réflexion sur les sujets les plus divers. Mais on n’a jamais vu de véritable procès ni aucune action concrète couronnée de succès. Le ministère chargé des audits et du contrôle économique et financier qui existait bien en 2011 est passé à la trappe depuis 2016. On attend toujours les résultats concrets des rapports de la nouvelle Cour des comptes laborieusement installée après plusieurs années d’attente. Des faits de corruption sont livrés quotidiennement dans les médias, sans aucune action sérieuse à l’encontre des mis en cause. Le Président de la République, dénonce, crie, tempête, menace, mais ses ouailles ont appris à s’y habituer et à gérer ses humeurs. Il ne se passera rien car, ils savent qu’ils sont sa base sociale et de ce fait ne risquent rien, à la seule condition de respecter les règles du jeu.

En fait, les deux infortunés ont été victimes de ce que nous appelons dans notre jargon, des « audits à tête chercheuse ». Ils se sont pris au jeu et ont imprudemment franchi une ligne rouge en se permettant de contester leur hiérarchie et en cherchant à se fabriquer une mouvance aux frais de la princesse. Ils apprendront à leurs dépens que c’est inacceptable. Dans notre système, comme depuis toujours, l’impunité est de règle. Les entreprises para-étatiques sont des machines à caser des pistonnés et des « mangeoires » gérées le plus souvent dans l’opacité totale, malgré l’unicité de caisse instituée en 2011. Sans compter que sauf erreur, les morceaux les plus juteux comme le Patrimoine bâti et l’Agence de Régulation des Postes et Télécommunications échappent toujours et de façon incompréhensible au régime de droit commun de l’unicité de caisse.

 

Les dures leçons d’un remaniement ministériel accouché dans la douleur

 

Au premier quinquennat du Président Alpha Condé, en janvier 2011, nous avons eu droit à un « gouvernement de remerciement ». Cette équipe choisie, non pas pour ses compétences ou sa probité mais presque exclusivement en remerciement pour les services rendus lors de l’élection présidentielle de 2010, s’est illustrée par ses cafouillages, ses ordres et contre-ordres, l’inertie face à des urgences, ses tâtonnements, son amateurisme et surtout par les nombreux scandales dont elle a été accusée par les rapports d’audit cités précédemment. Tous les investisseurs sérieux qui avaient accouru à l’arrivée du nouveau président ont fini par plier bagages. En matière d’investisseurs, ne nous restent que les francs-tireurs des mines et surtout les cimentiers, pollueurs à grande échelle.

Au deuxième quinquennat, en janvier 2016, nous avons eu le « gouvernement de technocrates apolitiques ou gouvernement de mission » dont on nous avait assuré qu’il allait enfin relever tous les défis du développement et rattraper le retard accumulé. Malheureusement, là aussi, le miracle n’a pas eu lieu. Des querelles de compétence éclataient entre des ministres dont certains se donnaient en spectacle jusque dans des conférences à l’étranger. Certains ministres étaient congédiés sine-die, tant ils traînaient des casseroles. Plus dramatique, certains membres de l’équipe gouvernementale étaient accusés « d’ouvrir plus souvent leur braguette que leurs dossiers », selon les termes jadis utilisés par un chef d’Etat célèbre. En deux ans d’exercice et devant tant d’échecs et de blocage politique, le Président n’avait pas d’autre choix que de les remercier.

 

Les choix politiques du Président de la République pour sa nouvelle équipe

 

Avec l’équipe entrante du 26 mai 2018, nous voilà sauvés, ou presque!  Cependant, à l’examen, on se rend compte que le choix du Président s’est porté principalement sur des personnages qui méritent notre attention, tant le retour en arrière est évident pour celui qui a toujours été le chantre du changement. Nous avons d’abord des personnes réputées pour être les plus décriées et les plus discréditées, à la pire époque de la fin du régime du Général Lansana Conté. Ensuite, nous avons de sinistres personnages dont toutes les références idéologiques sont tirées du système dictatorial et sanguinaire du PDG qui a dévoré même leur géniteur! Ceux-là sont des revanchards impénitents, nostalgiques inconsolables des arrestations arbitraires, des pendaisons publiques, des exécutions massives d’innocents et des tortures de la « Cabine technique » au Camp Boiro de sinistre mémoire. Ils nous ont d’ailleurs prévenus que « la recréation est terminée ». En termes plus clairs, l’espace de liberté chèrement conquis par le peuple de Guinée depuis la chute de la dictature en 1984, c’est terminé. Ce sont eux qui étaient les pousse-au-crime à la fin du pouvoir du Général Lansana Conté en janvier 2007 et qui étaient les conseillers occultes et très influents du Capitaine Dadis Camara en 2009, lors des massacres et les viols du 28 septembre 2009 au Stade de Donka. Ils ont longtemps rongé leurs freins dans l’ombre et pensent sans doute l’heure des règlements de comptes arrivée. A la réflexion, on comprend mieux pourquoi la Guinée était en janvier 2017 parmi les pays de l’Union Africaine partisans du retrait collectif des Etats africains de la Cour Pénale Internationale (CPI). Les criminels africains des années soixante à quatre vingt pouvaient massacrer impunément leur peuple dans un huis clos total, car la Guerre froide aidant, personne ne bougeait. Les héritiers de ces criminels enragent de ne pouvoir emboîter le pas à leurs prédécesseurs. Mais ils ne le savent sans doute pas, aujourd’hui, ce n’est plus possible. Les peuples ont pris conscience de leurs droits et la Communauté internationale en a pris acte. N’en déplaisent à ceux qui rêvent d’un retour en au « bon vieux temps ». L’Histoire peut bégayer, mais le sens de sa marche sera toujours vers l’avant, vers le progrès et la liberté. Le crime, qu’il soit politique, économique ou de droit commun n’a jamais payé et ne payera pas. A bon entendeur salut.

 

On prend les mêmes et on recommence

 

Tout le système politique guinéen né après l’adoption de la Loi Fondamentale en 1990 est bâti et repose sur les anciens caciques du PDG. Malgré tous nos appels à la tenue d’une Conférence Nationale, Vérité Justice Réconciliation, notre pays traîne toujours en les aggravant, les tares des systèmes précédents. La cruelle vérité que peu de gens connaissent dans notre pays, est que ce sont les caciques et les piliers du régime du Général Lansana Conté qui, en 2010 ont donné le pouvoir au Président Alpha Condé et non son parti,  le RPG comme on pourrait être tenté de le croire. Mais comme on le voit aujourd’hui, cette belle stratégie de récupération avait ses limites. Le Président a sans doute estimé qu’il lui serait facile avec le temps de se débarrasser de ses mentors ou ses amis encombrants, afin de mener sa propre politique. C’eût été possible, mais à condition de changer radicalement de cap, en tournant complètement le dos aux pratiques corruptrices antérieures et en s’appuyant sur le peuple qui s’était révolté en 2007 contre le régime du Général Lansana Conté. Malheureusement, avec l’approfondissement du système communautariste, la continuité a primé sur le changement. Et progressivement, ces éléments parmi les plus rétrogrades, les plus extrémistes du régime du général Lansana Conté et les plus haïs du peuple, ont su faire profil bas pendant huit ans. Ils ont patiemment attendu leur heure en tissant leur toile d’araignée dans le système et ont fini par gagner. Le Président à qui ces gens ont manifestement forcé la main lors du dernier remaniement, ne peut pas faire autrement que de les satisfaire en leur concédant des postes stratégiques dans son équipe. Certains estiment même que désormais, il est leur otage, avec une marge de manœuvre extrêmement réduite. A ce stade, personne ne sait qui des deux alliés va réussir à se débarrasser de l’autre. Avec ce système mafieux reposant essentiellement sur la corruption effrénée et généralisée, les trafics d’influence et les échanges de bons procédés, les alliances temporaires des clans, tout est hélas possible. Comme disait un philosophe, « il est toujours dangereux de se croire plus malin que tout le monde ; gare à l’effet boomerang ».

 

Retour sur le régime du Général Lansana Conté

 

Tous ces développements nous amènent à revenir sur l’appréciation qui peut être faite à postériori de l’action du Président Lansana Conté. Arrivé au pouvoir par les hasards de l’Histoire et sans l’avoir particulièrement cherché, il a très tôt placé son action sous le signe du démantèlement du système dictatorial du PDG. La paysannerie guinéenne se souvient encore de lui comme de l’homme qui a dissout la milice, mis fin aux exactions contre la population, ouvert les prisons-camps de la mort, mis fin à la « norme » (livraisons forcées de produits agricoles ou de bétail) et rétabli les libertés fondamentales. A ses collaborateurs, il n’avait de cesse que de dire : « Moi, je ne connais pas ; mais si vous pensez que c’est bon pour le pays, faites le ». Malheureusement, avec l’héritage du système corrompu du PDG, cette attitude faite d’humilité et de patriotisme ne pouvait pas donner les résultats attendus. Beaucoup de ses collaborateurs l’ont trahi en servant exclusivement leurs propres intérêts. Sous la houlette des conseillers politiques étrangers, il n’a pas voulu de la Conférence nationale qui aurait pu ouvrir la voie à des réformes durables et à un véritable changement de cap après 26 ans de règne de la dictature du PDG. Au plan économique, sous la dictée des bailleurs de fonds internationaux, il a démantelé le système de capitalisme d’Etat totalitaire du PDG pour laisser faire un libéralisme sauvage basé, sur le négoce, la rente minière et l’aide internationale. Ce système ultra-libéral, corrompu, anti-progressiste, porteur de graves injustices sociales,  est toujours en place. Dans les 15 premières années de son règne, il y a eu d’importantes réalisations économiques et sociales parmi lesquelles il faut citer : les infrastructures routières bitumées, les pistes rurales bien faites, le pont sur la Fatala, le pont sur le Niger à Siguiri, le barrage de Garafiri, la mise en place du grand complexe agro-industriel de la SOGUIPAH, la réforme du système éducatif et de santé. Extrêmement modeste, il répugnait à s’afficher lors de l’inauguration de ses réalisations, se contentant de répéter : « mon principe est de faire et laisser dire ». Malheureusement, au fil du temps et surtout après la mutinerie-coup d’Etat du 2 février 1996, tous ces acquis ont été progressivement annihilés par la corruption grandissante et l’entrée en lice des mafias des mines et les narco-trafiquants. Profitant de sa maladie invalidante, les clans mafieux constitués autour de sa famille, ont continué à gouverner à sa place dans leur intérêt exclusif. C’est pour cette raison que le premier Président de l’UFD, le Professeur Alfa Ibrahim SOO lui avait adressé une lettre ouverte en forme de supplique pour qu’il en reste à ses acquis positifs et ne se représente plus à la fin de son deuxième mandat en 2003. Il n’a hélas pas été entendu.  Pour l’UFD qui a toujours été dans l’opposition à son régime, nous avons le devoir de rappeler tout ceci.

 

Le système communautariste guinéen

 

Depuis l’indépendance en 1958, la constitution guinéenne est fondée sur une communauté nationale vivant dans un Etat unitaire. Malheureusement, la sortie de la transition s’est faite non pas dans ce sens, mais plutôt dans la droite ligne de la campagne électorale de 2010, qui, au lieu de favoriser un débat politique fécond, a été presque exclusivement basée sur des combinaisons ethnicistes. Ce système communautariste en vigueur depuis 2011 n’a jamais été codifié. Il s’exerce dans les faits et non dans les textes. Il a été magistralement énoncé par le Général Facine Ture en mai 2011. Il repose sur une supposée division du travail, un système de castes en quelque sorte. Les uns ont en main l’essentiel des leviers politiques et l’appareil d’Etat, tandis que les autres doivent s’occuper de leurs affaires privées avec en prime, des fonctions électives sans pouvoirs réels, mais bien rémunérées. Mieux, « le chef de file de l’opposition », censé représenter les « autres » est lui aussi grassement rémunéré  par le pouvoir en échange de ses bons et loyaux services. Dans les faits il existe une parfaite complicité entre le pouvoir et l’opposition qui ont les mêmes intérêts. Curieusement la Guinée partage ce système avec  des « démocraties sans alternance » aussi célèbres que le Togo et le Tchad. Partout ailleurs, l’opposition pour vivre, doit se contenter de fonctionner avec des prélèvements sur les émoluments de ses élus. Même les contributions privées aux partis politique sont strictement règlementées et transparentes. C’est ce que nous avons appelé le condominium politico-ethnique basé sur le partage du gâteau entre ses deux composantes. Ce verrouillage de la vie politique guinéenne autour de deux ou trois partis est encouragé par la Communauté internationale qui ne reconnait que deux ou trois partis comme interlocuteurs sur la scène politique guinéenne. Nous ne doutons de la bonne foi du Général Facine Ture lorsqu’il a défendu cette idéologie éculée. Il était sans doute soucieux de garantir une certaine justice sociale, en empêchant une petite minorité de s’accaparer de la plus grande partie des richesses nationales. Il a eu l’honnêteté de dire ce qu’il pense alors que des millions d’autres Guinéens partagent cette vison. Malheureusement, ce système mafieux de partage juteux des rôles entre les membres de l’élite, comme on le voit, repose sur la prédation systématique de la fortune publique et le népotisme, laissant la grande majorité de la population, toutes communautés confondues, dans la misère extrême, la faim, la malnutrition, les maladies sans soins, le manque d’éducation de qualité et le chômage et l’exode massif. Il est la pire source de l’injustice au détriment des plus pauvres, au profit des castes qui contrôlent le pouvoir politique et le pouvoir économique. Il est évident que toutes les communautés n’ont pas le même niveau de développement, mais  l’erreur fondamentale a été de mettre dans le même sac, en bloc toutes les composantes sociales des différentes communautés. Les souffrances infligées au peuple de Guinée par ses élites depuis 1958 sont largement partagées, quelque soit la région. Nous sommes donc bel et bien installés dans un système communautariste rétrograde, anti-progressiste et qui ne permettra jamais à la Guinée de sortir de la misère et du sous-développement.

 

Sortir la Guinée de la décadence et de la descente sans fin aux enfers

 

On est presque gêné d’avouer que notre pays est indépendant de la puissance coloniale depuis 60 ans, tant le bilan est désastreux ! Quel jeune Guinéen conscient peut-il dire aujourd’hui qu’il est fier de son pays ? Interrogez pour cela les milliers de jeunes qui errent dans le désert du Sahara ou qui attendent une occasion de traverser la Méditerranée à la nage, au péril de leur vie pour tenter de trouver ailleurs ce que leur pays leur refuse. L’horizon est complètement bouché. Le pays est devenu un véritable enfer pour ses pauvres habitants. L’urgence est partout. Aucun problème de la vie quotidienne n’est réglé. Les gouvernants et leurs complices peuvent se permettre tous les abus possible, en toute impunité et servir des discours sans fin. La République de Guinée est bardée d’institutions de façade de toutes sortes qui sont incapables de jouer le rôle de contrepoids et de contrôle face à un pouvoir exécutif omnipotent et absolu. Elles ne sont que des organes budgétivores, distributrices de prébendes. On voit bien que la solution non plus ne peut pas venir des élections car il n’y a rien à attendre ni du pouvoir ni de l’opposition. Les élections tenues dans ces conditions ne résolvent fondamentalement aucun problème de nos pays. La Centrafrique est là pour nous le rappeler. Le nœud du problème guinéen c’est l’attitude des élites face aux biens publics. Si nous n’éradiquons pas la corruption, la prévarication et l’enrichissement illicite, notre pays n’ira nulle part, sinon vers plus de misère, plus de souffrances pour le peuple, le chaos et la désintégration, quel que soit l’homme ou le parti au pouvoir. Pour prévenir cette issue apocalyptique inéluctable pour notre pays, il n’y a rien de plus simple que de commencer par le commencement pour tout Etat démocratique qui se respecte : appliquer la loi. Tous les responsables astreints à la déclaration de leurs biens doivent s’acquitter immédiatement de leur devoir et que la justice fasse le sien. De plus, tous les gestionnaires d’un budget quelconque et tous les élus, doivent se joindre volontairement à eux. C’est la seule voie pour eux de prouver leur bonne foi et de sauver leur honneur. Ce geste est une exigence du peuple de Guinée et la condition sine-que non de la renaissance de la Guinée, après 60 ans pendant lesquels les élites ont complètement pillé le pays et acculé la population à une misère indescriptible. L’accomplissement de ce devoir civique sera la ligne de partage qui séparera les vrais patriotes des ennemis du peuple qui se nourrissent  de sa sueur et de son sang. L’UFD est prête à s’associer à toute action citoyenne de la société civile et des bonnes volontés de tous horizons pour sauver notre pays en pleine décomposition morale et physique.

Nous en profitons pour rendre hommage au Conseil National de Transition (CNT) qui a  doté la Guinée en 2010 de cette constitution amendée et qui empêche tant de prédateurs de dormir tranquille, car ils le savent, la colère du peuple gronde.

 

Fait à Conakry, le 28 juin 2018

Pour le Bureau Exécutif National

                                                                  Le Président

                                                       Mamadou Baadiko BAH

Union des Forces Démocratiques (UFD) Email ufdconakry@yahoo.fr – Tél 00224622815142

Agrément N° Agrément Arrêté N° 1549/MI/CAD du 03/04/92

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